Médias
Julien Hébrard ∙08 Oct 2025∙ 3 min
En consultant le classement mondial de la liberté de la presse 2025, publié par Reporters sans frontières (RSF), on constate que les résultats de la France sont préoccupants. Avec un score de 76,62 sur 100, notre pays perd 2 points par rapport à l'année précédente et chute de 4 places au classement général, passant de la 21ème à la 25ème position mondiale.
Cette régression est d'autant plus notable que la France avait atteint l'année dernière son meilleur score depuis la création de l'indice en 2002, avec 78,65 points. Cette performance avait alors marqué une amélioration continue de la situation de la liberté de la presse dans l'Hexagone, rendant le recul actuel particulièrement visible.
À la 25ème place, la France se positionne désormais loin derrière l'inamovible Norvège, qui conserve sa première position mondiale, mais elle se trouve également distancée par des pays comme le Portugal (8ème), Trinité-et-Tobago (19ème) ou encore Taïwan (24ème). Ce positionnement révèle que d'autres nations parviennent mieux à préserver et améliorer les conditions d'exercice du journalisme.
L'analyse détaillée du classement RSF révèle que cette dégradation s'explique principalement par la détérioration de deux indicateurs cruciaux : l'indicateur social et l'indicateur sécuritaire. Ces deux dimensions, qui représentent chacune 20 % de la note finale aux côtés des indicateurs politique, économique et législatif, montrent des résultats peu encourageants pour la France.
Sur le plan social, notre pays perd 8 places, tandis que l'indicateur sécuritaire enregistre une chute encore plus importante de 17 places. Ces résultats témoignent d'une dégradation tangible de l'environnement dans lequel évoluent les journalistes français.
Selon Reporters sans frontières, plusieurs facteurs contribuent à cette situation préoccupante. En premier lieu, on observe une défiance grandissante envers les journalistes, qui se manifeste de diverses manières. Les professionnels de l'information font face à un accueil de plus en plus hostile lors des manifestations, où leur présence est parfois perçue comme intrusive ou partiale par certains manifestants.
Cette défiance s'accompagne de menaces proférées par des mouvances extrémistes, qui voient dans les médias des adversaires à combattre plutôt que des acteurs démocratiques essentiels. Ces intimidations créent un climat de tension qui peut influencer la façon dont les journalistes exercent leur métier, potentiellement en les poussant à l'autocensure.
La situation est particulièrement préoccupante dans les territoires d'outre-mer, où l'accès à l'information devient de plus en plus difficile. À Mayotte, en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française, les journalistes font face à des obstacles spécifiques qui entravent leur travail d'information du public.
Ces territoires, souvent éloignés de la métropole et confrontés à des enjeux locaux complexes, représentent des zones particulièrement sensibles pour la liberté de la presse. Les tensions sociales, politiques ou économiques qui s'y développent peuvent créer un environnement hostile au journalisme d'investigation et au travail de terrain.
Le second facteur majeur de dégradation concerne la sécurité des journalistes. Les violences policières à l'encontre des professionnels de l'information, bien que condamnées officiellement, continuent de se produire lors de certaines interventions ou manifestations. Ces incidents, même isolés, contribuent à créer un climat d'insécurité.
Les agressions dans les manifestations représentent également un risque croissant. Les journalistes, identifiables par leur matériel et leur présence sur le terrain, peuvent devenir des cibles pour des individus hostiles aux médias ou simplement pris dans la violence des événements.
Enfin, la menace terroriste, bien que diffuse, reste présente et contraint certains journalistes à demander une protection officielle pour exercer leur métier, notamment ceux qui couvrent des sujets sensibles liés au terrorisme ou aux questions géopolitiques.
Il convient de souligner que ces problèmes ne concernent pas uniquement la liberté de la presse, mais s'inscrivent dans un contexte sociétal plus large. La montée des extrêmes politiques, l'augmentation de la violence dans le débat public et le fossé qui se creuse entre différents groupes sociaux affectent l'ensemble de la société française.
Les journalistes ne sont finalement que des victimes parmi d'autres de cette dégradation du climat social et politique. Leur situation particulière - être en première ligne de l'information et donc exposés aux tensions - les rend particulièrement vulnérables aux conséquences de ces évolutions sociétales.
Face à ces défis, il n'existe pas de solution simple ou unique. La protection de la liberté de la presse nécessite une approche globale qui s'attaque aux causes profondes de la dégradation du climat social et sécuritaire. Cela implique un travail sur le long terme pour restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions, y compris les médias.
La sensibilisation du public au rôle essentiel du journalisme dans une démocratie, la formation des forces de l'ordre à l'importance de la liberté de la presse, et la lutte contre les discours de haine qui ciblent les journalistes constituent autant de pistes à explorer pour inverser cette tendance préoccupante.
Le recul de la France dans ce classement doit servir d'électrochoc pour rappeler que la liberté de la presse, conquête démocratique fondamentale, n'est jamais définitivement acquise et nécessite une vigilance constante de la part de tous les acteurs de la société.